jeudi 26 novembre 2015

Mes sons de Tana

Impossible d’écrire en ce moment, je publie donc un article que j’avais préparé depuis plusieurs mois sans le peaufiner, sur mes sons de Mada.

Hélas je n’ai toujours pas réussi à inclure de bandes sons aux articles de ce blog, peut-être n’est-ce pas possible en fait (Alix, mayday ?).
Du coup, je vais essayer d’évoquer mes sons de Tana en mots, même s’ils ne sont pas très poétiques pour la plupart !
Lorsque l’on arrive pour la première fois à Tana et ses environs, beaucoup de choses vous assaillent : on en prend plein les yeux, le nez et les oreilles.
Certains sons resteront gravés dans ma mémoire car ils sont très caractéristiques, j’essaie ici de vous les transcrire.

-  Nos premières nuits ont été perturbées par le chant saccadé d’un oiseau que nous ne connaissions pas, l’angoulvant (petit clin d'oeil si mes anciens collègues des PUF me lisent ;)). A la longue on s’y habitue, d’autant qu’il se fait moins intense au fur et à mesure de la nuit, mais cela est surprenant. C’est un oiseau qui niche à même le sol, comme il l’a fait sur notre terrasse. Il est assez petit mais surprenant car si l’on s’approche trop, il est capable d’ouvrir une gueule démesurée, cela fait peur venant d’un corps si petit !
Sur le toit ou le carrelage noirs, le camouflage est parfait !

mini-angoulvants tout mimi

- Les aboiements des chiens vers 22h aussi sont assez nets et peuvent être inquiétants, on les sent nombreux, énervés, affamés ? Je ne suis pas sûre néanmoins que ceux que l’on entend ainsi soient ceux que l’on voit errant dans la nuit lorsque l’on roule dans les rues enfin libres (car c’est là l’un des contrastes saisissant entre jour et nuit / bondé et désert) : ceux-là sont silencieux même s’ils sont en troupe, en maraude, inquiétants aussi.

- Sur le matin ce sont alors les longs carillons des églises environnantes qui nous ont perturbés, et le font encore d’ailleurs : 5h00, 5h15, 5h20… Il y a plusieurs églises/temples autour de nous, 2 sur la colline en face, 2 derrière nous, et cela fait écho en plus… Je ne pense pas qu’elles servent de réveil à la population car la plupart des gens sont déjà en route à cette heure-là (maintenant que nous connaissons les joies du transport pour Achille, le réveil est d’ailleurs à 5h20 pour nous, soit 3h20 en Europe actuellement). Je crois donc qu’il s’agit réellement de moments de culte.

- En journée, le son des chaussures qui traînent s’accroche à vos oreilles : énormément de gens marchent le long des routes tout au long de la journée, enfants, adultes, vieillards, sur de longues distances sans doute ou quelquefois juste pour aller chercher un autre taxi be (nom du taxi collectif, sorte de trafic aménagé avec des sièges). Ces personnes sont rarement bien chaussées : une vieille paire de tong, des savates en plastique, des tennis défoncées, voire pas du tout de chaussures. Le son de ces pas trainant sur le bitume poussiéreux ou sur la terre rouge et dure est vraiment caractéristique, je ne l’oublierai pas.
Je signale au passage que les chaussures coûtent relativement chères ici, trop chères pour les bourses moyennes en tout cas, et la récupération est de mise. On voit beaucoup de chaussures de secondes ou troisièmes mains en vente le long des route, suspendues à l'unité sur des fils pour ne pas être arrachées.


L’appel des receveurs-crieurs du taxi-be : placés à l’arrière des véhicules, ils haranguent les passants en criant la destination du véhicule et annonçant le départ imminent. Leur voix est alors bien particulière, forte, naturellement, mais surtout assez nasillarde.

- La tôle frappée en cadence pour fabriquer les fataper : dans un des virages dans 67 hectares, la « boutique » du ferailleur spécialiste de la fabrication des fataper, réchaud à charbon sur lequel reposera une marmite, est reconnaissable, juste à l’oreille, aux tap-tap réguliers sur la tôle de ces ouvriers.

- D’où nous habitons, nous entendons très bien les klaxons et bruits de la circulation de la montée d’Ambohibao en face, et du carrefour de la pharmacie d’Ambohibao. Comme ce sont deux points noirs question circulation, les 4x4 des « officiels » qui se rendent à la CCI ou à l’aéroport (et en reviennent), font hurler leurs sirènes pour dégager la route. Il ne se passe pas une journée sans que ce ballet ait lieu, figeant tout durant quelques secondes ou de longues minutes.
Le Président, ses ministres et députés ne connaissent pas les embouteillages, eux, comme ailleurs me direz-vous. Lorsqu’il s’agit du Président, la route est en plus jalonnée de gendarmes tous les 30-50m : ils ne gèrent pas la circulation mais sont là uniquement pour dégager toute voiture qui ne se pousserait pas au moment du passage du cortège. Ok, mais le souci est que les rues sont tellement bondées, mal entretenues, que même le passage dégagé, des accidents dramatiques arrivent avec ces cortèges : ici un scooter, là une fillette. 
Depuis septembre 2015 la situation s’est toutefois un peu améliorée côté circulation, enfin il va falloir passer la période des pluies pour l'entériner : des agents sont désormais en permanence aux heures de pointe sur ces points noirs et sont efficaces : ils font office de « feux tricolores » en fait, en stoppant /laissant passer à tour de rôle les différents axes. Avant la pharmacie, depuis chez nous, 2 sens interdits ont été ajoutés, fluidifiant le parcours et permettant de ne pas encombrer en double sens un passage très étroit qui bloquait tout le monde dans les deux sens. Ce passage est une fourche « intouchable » car il s’agit d’un imposant ancien tombeau, qui se retrouve maintenant au milieu d’une circulation intense alors qu’il devait être au vert lors de sa construction !

- Les appels du gars qui passent dans les rues et notre chemin aussi pour acheter et recycler les bouteilles : « Misy tavoangy – vous avez des bouteilles ? » (enfin c'est ce que l'on m'a dit). Comme dit dans un autre post, la bouteille d’eau vide s’achète 100ar, et connaît de multiples usages : contenir de l’huile, de l’essence ou tout liquide qui s’achète en petite quantité. Les bouchons sont utilisés pour faire des dessous de plat, même des sacs à main.  Avec son gros sac, ce monsieur (ou cette dame) récupère aussi les canettes d’aluminium, qui serviront ensuite à réaliser les petites voitures, avions, magnets, que l’on trouvera dans tous les marchés artisanaux.

- J’ai quelquefois été surprise de voir à l’heure du déjeuner aux abords des usines des zones franches une personne avec un mégaphone et un petit livre à la main : en fait c’est pour réaliser un prêche durant la pause déjeuner, le petit livre étant la Bible. J'ignore si cette personne est payée par son église/temple pour cela, ou si c'est un autre employé de l'usine...

- Allez un classique, le bruit des vieux camions qui redémarrent ou ont du mal en montée, avec l’énorme nuage de fumée bien noire !

- Et la musique bien-sûr, omniprésente, forte. Pas seulement quotidienne dans les petits commerces, non, les magasins plus grands mettent aussi de la musique à l’intérieur, mais sur l’extérieur surtout. Chaque événement public est martelé en musique, que ce soit les campagnes électorales, une simple publicité, l’anniversaire d’une marque, une promotion… Le classique dans ce cas est de louer un camion, une sono plus ou moins de bonne qualité, d’employer de jolies filles qui dansent à l’arrière du camion, et de sillonner la ville ainsi, créant au passage quelques embouteillages ! Hier, pour les 15 ans d'une société de micro-crêdit, il y avait une quinzaine de personnes sur des chaises autour d'une table à l'arrière du camion, je n'ai pas eu le temps de voir s'ils mangeaient ou discutaient juste ! 

- Le long des routes, à partir de 16h, on entend le crépitement des mazkitas (petites brochettes de zébu marinées (recette ici) saisies sur le brasero avec là aussi la fumée qui va avec.

- Lorsque l’on a un toit en taule, comme beaucoup de maison ici, entendre les torrents de pluie le soir et la nuit en saison des pluies doit devenir une habitude. Le toit de notre maison n’est pas en tôle, ce qui fait que lorsque je me trouve dans un bâtiment en tôle lors de la grosse pluie, cela reste impressionnant, décuplant l’intensité de celle-ci.

- Nos voisins de gauche ont quelques animaux dans leurs cours, chiens et poules : assez régulièrement l’une d’elles passe à la casserole : avant d’être réellement cuisinée, il faut donc lui couper le coup. Ces cris sont terrifiants et finalement assez longs, quelle agonie… Au club de sport les enfants ont aussi assisté à ce spectacle, avec la poule qui continue quelques instants de courir sans tête, ils ont été fort impressionnés de ce cours de science naturelle en direct !

Je viens de découvrir le lien vers cette emission de RFI, http://www.rfi.fr/emission/20151107-ecouter-antananarivo-ranaivoson-andriamialy-mondoblog , mais en fait cela n’est qu’une infime partie de ce que l’on entend tout au long de la journée ou le long des routes, et en plus cela est entrecoupé de musiques douces… Mais pour vous donner une idée, c’est déjà ça !


Voilà-voilà, j'en ajouterai peut-être d'autres par la suite, mais j’espère que cela vous aura fait voyager hors de ce climat mondial actuel plutôt morose, et que cela aura rendu plus « sonore » Tana pour les personnes qui ne peuvent venir sur place.

A bientôt !