mercredi 19 février 2014

Agriculture péri-urbaine 1

Ici la ville n’est pas tout à fait ville, même le « centre-ville » n’en est pas vraiment un. Il n’y a guère que dans la ville Haute que l’on ne trouve pas de cultures, et encore. Par contre, les productions cultivées tout proche y sont vendues sur des étals à même le sol la plupart du temps. Cela tient à l’histoire du pays et à son terrain : traditionnellement c’est le haut des collines qui était habité, les bas étant laissés à l’agriculture et accessoirement aux inondations.
Mais désormais l’imbrication ville-campagne est une des particularités de Tana.
Contrastes plaines/collines habitées, Tana étant historiquement appelée la "ville aux mille collines"


La ville a connu une telle extension, elle a attiré tellement de campagnards (certainement très déçus par ailleurs), et la crise politique et économique est telle que l’agriculture est une question de survie, c’est devenue bien plus qu’une agriculture de subsistance. Il faut dire aussi que le ravitaillement de la ville n’est pas si simple : amener ses produits de la campagne plus ou moins lointaine revient cher, du fait de l’état des routes et des véhicules et des faibles moyens financiers… Néanmoins « Plus de 80% de la population malgache vit en milieu rural et 89% de ménages pratiquent une activité agricole, ce qui fait de l’agriculture familiale le pilier de l’économie malgache » selon la FAO. Précisons que 2014 est l’année internationale de l’agriculture familiale.

Le riz est sans conteste la culture dominante de Tana et de presque tout Madagascar, c’est pourquoi je vais commencer par lui : il est cultivé de partout sauf dans l’extrême sud où le climat est trop aride. La consommation est estimée entre 135 et 200 kg/personne/an, soit une des plus importantes au monde ! D’ailleurs on en consomme dès le matin, avec un café au lait , sous la forme de « mokary », des galettes sucrées cuites dans un moule spécial ;
Le "mokary",  petite boule blanche - dorée à l'étage supérieur de la vitrine, très bon et nourrissant vous vous doutez. En-dessous, je pense que ce sont des beignets de riz. Ici vers la pharmacie d'Ambohibao.
puis à tous les autres repas de la journée. C’est vraiment la base de l’alimentation. Un dicton dit qu’« un malgache ne vous invite pas à déjeuner mais à venir partager son riz » !
Il y a beaucoup de petits producteurs : tout se fait à la main, aidé d’un zébu quelquefois, enfin de ce que j’ai pu constater. Environ 70% des ménages malgaches produisent du riz en 2003, alors que la production était de 110kg/personne/an (133kg en 1990), il faut donc hélas importer du riz…
Le riz commence son cycle de culture dans de petits carrés appelés "tanin-ketsa" où l'on sème le paddy (riz non usiné, dont on conserve plus ou moins une quantité d’une fois sur l’autre pour replanter) : ce sont un peu comme des pépinières. 
13 septembre 2013, route de la digue
14/09 aux abords du lac d'Ampefy (c'est hors zone urbaine mais je ne résiste pas
car on voit bien le système de diguettes
Les bottes obtenues seront ensuite extirpées avec soin et transférées dans les rizières pour y être repiquées en ligne. Le travail est dur, et minutieusement réparti entre les hommes, les femmes, et les zébus. Car si la charrue est de plus en plus utilisée pour préparer le sol, le mode traditionnel du piétinage est encore le plus souvent pratiqué.
Pendant ce temps les autres parcelles sont retournées pour les préparer à recevoir les plants après leur mise en eau. Le système d'irrigation est minutieux, avec les moyens du bord toutefois.
Dans les plaines, les parcelles sont entourées de diguettes en terre pour maintenir l'eau à un niveau constant. Cela fait aussi des passages à sec pour les piétons. Hors de Tana il y a aussi des rizières en pente, étagées donc, je ne les ai hélas pas prises en photo mais en ajouterai lors d'une prochaine excursion (même si en fait  c'est hors-sujet pour ce post-là).
Au fil du temps les jeunes plants verdissent, puis le vert se fait or, la récolte est proche
5 novembre 2013

5 décembre 2013, sur la digue
15 janvier 2014, rizière en-dessous de la maison
Idem

Les coups de vent couchent quelquefois les épis,
il est temps de moissonner


Il s'agit maintenant de protéger les épis contre les prédateurs : quelques épouvantails, des dvd et les bandes des K7 vidéo qui brillent, des personnes qui surveillent et chassent les oiseaux… C’est là aussi que l’on empêche les zébus et canards d’aller dans les rizières ! 
Bon je sais, il faut bien les chercher les zébus-là…
Mais si, juste en hauteur vers le linge qui sèche, attachés à un piquet
Le ramassage / la coupe se fait par paquets/bottes, cela a l’air très éprouvant 
9 janvier

Il faut ensuite transporter ces bottes vers une aire de battage, en général dans des charrettes à bras ou dans des sacs à dos d'homme (pas pris en photo, désolée) : le riz est fouetté pour extraire les grains seuls 
Dommage, j'ai une courte vidéo mais elle ne passe pas
 La paille de riz est étalée pour être séchée,
les canards et les oies peuvent alors manger les restes
et/ou mise en meule,
avant d’être transportée pour être utilisée ensuite comme nourriture pour le bétail ou pour la vannerie.


Le Rova/Palais de la Reine et la ville-haute en arrière-plan



Ce riz paddy alors est étendu pour être séché : à même le sol la plupart du temps, quelquefois sur des bâches. C’est là que l’on se rend vraiment compte de l’imbrication ville-campagne car l’on voit du riz sécher de partout, il y a même des fois où l’on est obligé de rouler dessus (et attention, pas trop vite me dit Ramanana, c’est glissant !), comme sur ces photos :
Entre Ambatolampy et Ankorondrano
Séchage en plein dans le quartier de "67 hectares"


Lorsqu’il se met soudain à pleuvoir, les voisins viennent aider pour ramasser tous ces grains.
Il faut ensuite le nettoyer, il paraît que cela est fait en usines m’a-t-on dit, puis enfin stocker le riz.
J’ai lu ici http://rajaofera.free.fr/Faune/riz/riz.htm que les « paysans producteurs ont du mal à gérer leur récolte à la moisson : ils ont tendance à vendre une grande partie de leur riz au détriment de leur besoin de consommation quotidienne. Les raisons en sont qu’ils ont des besoins immédiats d’autres denrées nécessitant un certain revenu monétaire, ou encore que les moyens de rangement approprié du riz sont inexistants. Cette défaillance du dispositif de stockage est la raison d’être du GCV (Grenier Communautaire Villageois). Ce sont des mini-silos ruraux appartenant à des groupements de paysans. Ainsi, ce stockage ne concerne pas un surplus de production par rapport à la consommation mais c’est un stockage destiné à étaler la consommation pour subvenir aux besoins de la période de soudure. »
Je ne pense pas que ce problème soit le même pour Tana, vu qu’il y a plus de riz importé encore qu’ailleurs et que d’autres cultures y sont produites, notamment tous les fruits et légumes.


A bientôt pour la suite, moins mono-culture ! 

samedi 15 février 2014

Les routes en attendant l’agriculture, encore (et ajout 1)

L’état des routes, vous l’avez déjà compris, est un sujet de préoccupation quotidien dans la capitale : il y en a peu, et elles sont de plus en plus défoncées, entraînant des embouteillages toujours plus monstrueux, alors que le nombre de voiture ne cesse de croître, pas toujours en très bon état non plus d’ailleurs.
Une série de photos à côté de chez nous : 
15/01, patte d'oie vers la pharmacie d'Ambohibao depuis l'école C

15/01, depuis Ambatolampy en direction de l'école C, à 200m à vol d'oiseau de la maison

Idem
Les trous sont finalement modestes sur ces photos, depuis ils sont devenus énormes, et je crains de plus en plus pour ma petite voiture. Je vais essayer de refaire ces photos aux mêmes endroits sous peu pour vous montrer la différence. Il faut slalomer, se retrouver très souvent à gauche, choisir de prendre le trou sur sa gauche ou droite...
Il ne se passe pas une semaine, voire une journée, sans que la presse ne s’en fasse l’écho, sous forme d’article ou de brèves.
Mais cette semaine, L’Express de Madagascar du 13 février nous a offert une double-page entièrement consacrée aux nids-de-poule ! Impossible de retrouver le lien sur leur site, c’est comme si cela n’existait plus. Je vais donc vous en donner un aperçu, et vous ai scanné l’encadré le plus savoureux.
On nous explique que « Ce n’est pas le fait d’y tomber qui est le plus dangereux, mais celui d’en sortir. Tout dépend des dimensions du pneu, de la pression de gonflage, de la vitesse à laquelle le conducteur roule et de la profondeur de la cavité. ». D’ailleurs, la double-page comporte aussi un entretien avec le M. Pirelli de Madagascar.
"Perte d'un enjoliveur, pneu endommagé, jante pliée ou brisée, parallélisme déréglé, amortisseur abimé, direction tordue… sont autant de conséquences fâcheuses engendrées par ce genre de choc."
Il y a aussi un encadré sur « comment les fissures deviennent un trou », où l’on comprend qu’il faut de toute façon attendre la fin de la saison des pluies pour faire de vraies réparations qui se résument finalement à du rafistolage. En attendant, on ne peut que combler avec de la terre, qui part dès la première grosse pluie, ou avec des graviers (idem) ou des cailloux plus gros (qui finissent aussi par partir de toute manière). Donc cela ne va pas s’arranger.
Un autre encadré nous apprend qu’il existe un Fond d’entretien routier (FER) et titre ironiquement «Il n’y a rien à … FER », car ce fond ne distribue plus aucune subvention à la Communauté urbaine d’Antananarivo depuis 2011. Apparemment, l’enlèvement des ordures dépend aussi de ce fonds, oups…
Les pages se finissent logiquement avec des conseils sur comment bien négocier son nid-de-poule pour épargner le plus possible sa voiture, au cas où !

Hum, je le réécris car c'est illisible : 
"Savoir atténuer les dégâts
Il arrivera certainement à un conducteur ou un autre de se retrouver avec un nid-de-poule, sans aucune échappatoire pour l'éviter. Le premier réflexe consiste à ne pas freiner brusquement. Plutôt freiner plus tôt (!) et laisser la roue rouler doucement dans le trou en la gardant la plus droite possible. Une roue bloquée souffrira bien plus qu'une autre qui roule. En freinant, le poids du véhicule se déplace vers l'avant et cela peut aggraver l'impact.
Dans certaines situations, il vaut mieux tomber exprès dans le trou, au lieu de l'éviter. Cette manoeuvre peut causer des accidents. Et encore, si le flanc du pneu heurte les rebords du nid-de-poule, étant donné que le conducteur a tourné le volant, les dommages s'en trouvent multipliés."

Fin de l'article principal : "Il est difficile d'estimer à combien s'élèvent les dépenses en réparations, à la suite d'un impact dû à un nid-de-poule. Mais ce qui est sûr, c'est que l'addition sera salée avec tous ces éléments exposés aux risques de dommages".

Bon, maintenant on sait, si on abime nos voitures c'est qu'on le veut bien !



Ajout du 18/02
Pas de photos comparatives car je suis clouée au lit depuis 48h (enfin plus précisément abonnée à un trajet lit - wc uniquement), par contre j'ai réalisé que j'avais oublié de vous signaler un type de trou tout à fait typique et beaucoup plus dangereux car très profond, on doit y flinguer sa voiture et plus : les regards non protégés des bouches d'égouts.
Non protégés car les grilles ont été récupérées pour d'autres usages… Aucune grosse pierre n'est posée devant, donc il faut les connaître, surtout lorsque l'on doit croiser un autre véhicule.
L'autre jour, un taxi be s'étant trop engagé, je me suis trouvée bloquée devant un trou comme celui-ci, sans avoir la place de passer. Lui était bloqué devant une benne à ordures débordante depuis des mois. Il refuse de reculer et se caler à droite des ordures et coupe son moteur.  J'ai aussi coupé le mien (fenêtres ouvertes à côté des ordures, les enfants criaient pitié !) en lui répétant que "ça ne passait pas" même si ma voiture n'est pas grosse. Un motard derrière nous lui a traduit et il a fini par reculer…
Comme me le faisait remarquer une amie, autant en Europe on arrive à avoir certains automatismes en conduite sur des trajets quotidiens, autant ici la vigilance doit être à 110% en permanence, tant sur l'état des routes changeant que sur tous les mouvements des personnes sur ces routes. Avec le 4x4 de Florent j'ai toujours l'impression de trop serrer les gens, de trop serrer à droite ou d'être au milieu, bref c'est du sport !
Bland et Isa, c'est pareil pour vous au Congo et en Ouganda ?

lundi 10 février 2014

Aïna

Bien, le post annoncé sur l’agriculture étant à peine entamé et un peu long à écrire (voire cela fera l’objet de plusieurs post), je vous fais part rapidement de notre visite d’hier : l’orphelinat au village de Malaza, commune d’Ampitatafika, à 12km au sud de Tana, géré par l’association Aïna, soutenue entre autres par la Fondation Air France : www.aina-enfance.org
Une délégation de la fondation AF était présente et nous avons eu un accueil plus que chaleureux, avec un spectacle des enfants puis un déjeuner.
Achille a très vite été à l’aise avec les enfants, jouant aux ballons et se mêlant avec eux pour le déjeuner,
alors que cela a pris plus de temps pour Ottavio qui était très intimidé et ne se laissait pas trop approcher. Il faut dire que beaucoup lui caressaient directement les cheveux, je l’ai moi-même testé et comprends que cela ait pu le dérouter !
Mais il s’est détendu la dernière heure et a pu jouer et même poser sereinement pour la photo avant le départ.

Un bel établissement bien tenu, quelle énergie il a dû falloir pour développer tout cela !
Nos enfants étaient rassurés sur le sort de ces enfants, ils trouvaient "presque" en partant qu’ils avaient de la chance, mais ils réalisent tout de même, tout comme nous, que cela ne concerne qu’une cinquantaine d’enfants quand il y en a des centaines et des centaines dans la rue…

Sur la route on se rend vraiment compte que l’on est en pleine saison des pluies, les rivières sont grosses  et inondent tout autour, certaines habitations ont franchement les pieds dans l'eau.

Nous avons échappé à la pluie pour cette visite, elle ne nous a rattrapé que sur le chemin du retour : 
Rideaux de pluie avec le Rova en arrière-plan, Palais de la Reine dans la ville Haute. Cinq mn après on ne voyait plus rien.
Et pour finir, une découverte : le pistachier-arbuste ou noisetier de Cayenne, avec son fruit qui ressemble à celui du cacaoyer, dont les graines peuvent se consommer crues, grillées ou bouillies. On dit que son goût se rapproche de celui de la noisette ou de la pistache.