dimanche 12 avril 2015

Antongona et Anjozorobe

Afin de commencer à nous préparer activement à l’UTOP (Ultra Trail des Ô plateaux), nous avons organisé successivement 2 w-e sportifs : Antongona, sur une journée, et Anjozorobe, sur 3 jours.

Antongona est une des collines sacrées du grand Tana, Rova fortifié sur un beau promontoire de granite (environ 40km à l’ouest de Tana centre) : un peu plus d’1h de route pour sortir de la ville quand cela roule bien, puis 45mn pour 7km de piste (15 jours plus tôt elle aurait été impraticable car trop boueuse), 2h de marche A/R et 205 mètres de dénivelé.

Photos aériennes provenant de ce site , dont je me suis en partie inspirée pour mon texte


Le site, habité du XVIè au XVIIIè siècle, a été proposé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1997 mais je n’ai pas bien compris s’il était vraiment inscrit sur la liste ou non, il fait partie des « listes indicatives ».
Bref, les maisons actuelles ont été aménagées dans les années 1980 selon le style traditionnel d’autres maisons royales conservées ailleurs : les 2 au sommet, à 1515m d’altitude, font office de petit musée (photos interdites à l’intérieur), et une autre un peu plus bas sert de maison au gardien des lieux. On voit du sommet une autre plateforme, à 1406m d’altitude, où il y avait aussi un village.

Photo du 2è promontoire vu depuis le 1er
Des fossés défensifs avaient été creusés, ils sont désormais cultivés mais sont toujours bien visibles ; et dès que l’on commence l’ascension des promontoires, il y a encore toute une succession de murailles en pierres sèches et des portails de pierres qui attestent de l’aspect défensif du site.





En effet, au sommet on a une vue à 360°, de quoi voir l’ennemi de loin !
Mais cela n’aura pas suffit puisque le site a tout de même été détruit lors des luttes régionales (mais quand précisément ?). Je reprends ici l’anecdote de ce site, d’où sont tirées les 2 photos aériennes du début de cet article : «  “Efa ho lava ny Afon’Antongona” (On en a assez des feux d’Antongona !) Car le fait d’allumer un feu au sommet prévenait les gens des plaines d’un danger imminent. Mais à force de demander du secours inutilement, le village fut réellement attaqué et détruit.  »
Le sommet est assez bien « sécurisé », avec des barrières : on pourrait presque y emmener des scolaires si ce n’était cette piste défoncée où un bus aurait trop de mal à passer. Dommage car cela est relativement proche…
La vue est superbe, on voit jusque Ambohidratrimo, le Rova qui est presque chez nous !





Au loin, les mosaïques des rizières sont bien nettes, et en contrebas on distingue nettement un “tamboho” circulaire ou parc à bœufs.

Notre groupe de 21 personnes (de 2 ans et demi à la cinquantaine, et tous nos « petits » ont bien marché) ne passe pas inaperçu auprès des villageois : ce sont aussi 5 voitures à garder moyennant une petite somme à partager.
Nous pique-niquons non loin des voitures, et alors que nous repartons, je constate, effarée, que nous laissons derrière nous les bouteilles de verre et de plastique en tas : je m’en inquiète auprès de nos amies malgaches qui me répondent que cela est convenu aussi avec les gens du village. Ils sont contents de les récupérer pour leur usage personnel ou pour les revendre : la bouteille d’eau vide vaut 100 Ar (0,03 centimes d’euro - un mofo-gasy, petit gâteau au riz, vaut environ 300 Ar pour vous donner une idée).

Nous repartons ravis de notre escapade en tout début d’après-midi et, pour tenir la promesse faîte aux enfants, nous terminons la journée à la piscine de La Rôtisserie à Ivato plutôt qu’à celle des Hérons initialement envisagée, par crainte des embouteillages.

Nous enchaînons donc sur le w-e de Pâques, où nous avons poussé un peu plus loin, à 90km de Tana, Anjozorobe, au Saha Forest Camp, soit 3h de chez nous.
Le site vante le fait d’être au cœur de la forêt primaire mais il serait plus exact de dire « en bordure », la forêt à proximité immédiate a largement déjà été coupée une ou deux fois, il faut donc marcher plusieurs heures avant de vraiment trouver ladite forêt primaire, ce que nous n’avons pas fait avec nos petits. Nous n’avons donc vu aucun lémurien cette fois, en même temps nous étions sans doute un peu trop nombreux aussi pour les voir, ils devaient repérer notre troupeau de loin et fuir ! Il faut aussi reconnaître que les animaux ici ne sont pas « incités » à rester à proximité, il n’y a pas de « rabatteur » qui les dirige près des groupes en les attirant avec de la nourriture.
Le Saha Forest Camp se fond bien dans le décor : le restaurant terrasse domine la rizière et les chambres sont plus haut dans la forêt. Ce sont en fait des semi-tentes : plancher et sanitaires en dur, murs et sous la charpente en toile : on sent bien la fraicheur de la nuit et du matin !


Du coup on se dit que la saison touristique doit être assez courte : à  peine 5 mois finalement car difficile d’accès pendant la saison des pluies de décembre à mi-mars en gros, et ensuite il fait très frais dès fin mai jusque fin septembre…Nous avons tout de même fait des balades magnifiques, en forêt et dans les rizières.
Avec la ballade nocturne, à défaut de voir le tout petit lémurien nocturne « microcèbe », nous avons vu plein de minuscules caméléons très verts, « kely-kely » (petit-petit) comme le disait le guide, appartenant je pense au genre « brookesia ».

Nous sommes toujours 21 personnes, presque le même groupe, et animons fort l'hôtel restaurant, ceux venus ici pour le calme ne sont pas des plus ravis...  
Pour ma dernière ballade, j’ai fait confiance à Achille notre aîné pour nous guider puisqu’il venait de faire la même ballade le matin : il était ok mais a précisé qu’après la forêt il aurait sans doute du mal dans la rizière. Et lorsqu’il a douté, j’ai horriblement douté aussi : je commençais à me dire que nous n’avions qu’un téléphone inutile puisque sans réseau, plus aucun repère pour indiquer où nous étions, que nous n’avions même pas une lampe de poche, aucun gilet (il était 16h15 et il fait nuit à 18h, et il fait froid la nuit), rien à manger… C’est fou comme les rizières se ressemblent en fond de vallée, avec de multiples bras, tout a absolument l’air identique ! Heureusement nous avons pris le bon bras et fini par reconnaître rapidement des éléments et arriver au parking et donc sur le bon chemin du lodge…



Nous repartons le lundi de Pâques après le petit-déjeuner afin d’éviter les embouteillages : les routes sont déjà très encombrées par les piétons qui vont pique-niquer.

 Nous décidons de couper par les rizières grâce à nos amis qui connaissent cette route, où le 4x4 est encore plus indispensable.


Nous arrivons ainsi derrière l’aéroport, où la foule est impressionnante : les gens viennent pique-niquer et voir les quelques avions décoller et atterrir.


On dirait que l’on a du mal à se quitter, ou bien est-ce la flemme de faire à manger, et le fait que nous nous étions répartis des sacs là où il y avait plus de place, mais nous finissons de nouveau à la Rôtisserie, sans maillots de bain mais pour déjeuner cette fois !

Et ce w-e c'était le vide-grenier à l'école, organisé par notre association


Bises à tous et à la prochaine !


vendredi 3 avril 2015

Route Nationale 7 - 2ème partie

Reprenons…

Le paysage change ai-je dit, et l’habitat aussi : progressivement, les hautes maisons en briques rouges sont remplacées par des habitations basses en torchis, nous quittons l’ethnie des Betsileo pour les Bara, avant de rejoindre les Vezo sur la côte à Tuléar où ce seront les cases qui prendront le relais.

Petite halte déjeuner et ballade au site écotouristique d’Anja à Ambalavao : nous allons de nouveau à la rencontre de nombreux et beaux lémuriens et sommes impressionnés par leurs cris d’alerte à l’approche des rapaces, leurs principaux prédateurs.





Nous allons jusqu’aux grottes où les lémuriens se réfugient la nuit, et les enfants se défoulent bien sur un gros rocher en forme de semi-pyramide.












Et un autre beau caméléon















Nous reprenons la route qui se transforme franchement, nous pouvons faire des pointes à 100km car c’est quasi tout droit et il n’y a presque plus de trous ! Le paysage est de plus en plus sec,
Notre arrivée dans l’Isalo, surnommé le « Colorado malgache » se fait sous un temps gris et avec une petite bruine, mais nous restons confiants pour la suite.


Le parc national de l’Isalo est un immense massif de grès érodé datant du Jurassique (135 à 205 millions d’années) et qui s’étend sur près de 82.000 hectares, avec un relief « ruiniforme », du mot ruine donc, pas très haut mais imposant.
Nous nous arrêtons pour 3 nuits au Relais de la Reine, hôtel magnifique aux bâtiments en grès qui se fondent dans le décor.


Les chambres sont superbes mais pour 2, les enfants ont la leur et en sont tout surpris : ils sont tellement crevés qu’ils s’endorment finalement vite en ne venant nous voir qu’une seule fois pour vérifier que tout va bien !
Après un délicieux petit-déjeuner, nous nous rendons au bureau des guides au village de Ranohira et commençons notre ascension à la piscine naturelle puis la piscine noire.
Il faut marcher le long du ruisseau et les enfants ne tardent pas à avoir les chaussures trempées, tout comme nous d’ailleurs.
Notre guide n’est pas hyper communicatif et nous laisse pas mal nous débrouiller, on a connu mieux, tant pis.
Il fait un peu frais mais les enfants et moi ne résistons pas à une petite baignade tant l’eau est belle.
La piscine noire tente moins les enfants, ne pas voir le fond les chagrine. Je ne m’aventure pas non plus, ayant un peu froid.


Une autre cascade nous attend, mais Ottavio décide que nous avons suffisamment marché et le fait bien savoir ;), nous ne nous attardons donc pas !


Pause déjeuner sympathique à l’Isalo Ranch. Crevés, les enfants ne se baignent même pas dans la piscine !

En fait ils se sont réservés pour celle de notre hôtel, où la famille se détend le reste de l’après-midi. Il faut s’économiser, c’est que la journée suivante sera bien sportive…

Nous déposons Ottavio au centre équestre pour une ballade à cheval, et nous 3 nous équipons en casques et baudriers pour aller à l’assaut de la via Ferrata qui a été aménagée sur les blocs de rochers près de l’hôtel. Achille a quelques appréhensions mais se débrouille finalement très bien, ce fut un vrai régal et cela m’a donné envie de me remettre à l’escalade !


Lors de l’ascension, notre guide nous explique que, dans les anfractuosités de la paroi, sont déposés les corps des défunts des villages environnants, bien souvent au péril des vivants. Il faut dire aussi que ceux qui grimpent déposer les corps n’ont en général pas bu que de l’eau.
Sitôt la pause déjeuner, nous repartons en famille pour une petite ballade à pied autour de l’hôtel, paysages magnifiques encore.

A peine rentrés, Achille et moi repartons en VTT à une petite grotte puis le lac aux croco, mais le vélo d’Achille n’étant pas du tout adapté à son âge, nous devons renoncer après la grotte, au demeurant assez sale avec nos yeux d’européens car les offrandes traînent ça et là : miel coulant à même le sol, canettes ou bouteilles en plastique, morceaux de bougies…
Repos bien mérité le soir…

Nous reprenons notre dernière longue portion de route, destination Tuléar et Ifaty sur la côte, environ 4h pour 240km.
A une quinzaine de km de l’hôtel, nous approchons de la ville « nouvelle » Ilakaka (qui vient de faire l’objet d’un reportage d’Arte (je ne l’ai pas encore visionné, trop lent à télécharger, mais merci pour l’info SM) : fin 1998, un important filon de saphirs a été découvert, transformant en quelques mois ce petit village d’une dizaine de maisons en une ville tentaculaire horizontale le long de la route, de 20 à 50 000 habitants se dit-il, mais personne ne sait exactement en fait.



Je ne suis déjà pas fan des pierres précieuses en général, je n’insiste donc pas pour nous arrêter, d’autant que les conditions dans lesquelles ces pierres sont extraites ne donnent pas du tout envie, même s’il paraît que cela s’est amélioré. Le climat malgré tout ne paraît pas franchement sain, nous nous faisons d’ailleurs arrêter 3 fois par la police en 10km pour un contrôle de papiers (du véhicule, cartes de résident, passeports, tout) : tous attendent la « taxe touristique » mais comme nous patientons tranquillement cela passe. Il n’est pas conseillé d’acheter ses pierres là-bas, le racket à peine plus loin est quasi certain.
Au final, le saphir rapporte peu aux populations locales pour un travail très pénible et dangereux (les éboulements des galeries sont nombreux), tout en faisant augmenter les prix des denrées de base sur place. Thaïlande, Sri Lanka, Etats-Unis ou Afrique du Sud sont les pays d’où sont originaires les acheteurs qui sont de vrais professionnels, qui s’adressent aux mineurs, tous malgaches, ne connaissant pas vraiment la valeur de leurs pierres brutes, même si ce sera toujours plus qu’une récolte de parcelle de riz, c’est sûr.
Les règlements de compte et attaques sont soi-disant moins nombreux que par le passé, mais il est tout de même fortement déconseillé d’y dormir, voire de s’arrêter tout court.
Et franchement, la visite avec les enfants d’une mine non sécurisée ne nous a pas tenté.

Bref, la route est toujours belle, nous profitons d'une pause pour photographier tout de même une des bornes kilométriques de cette fameuse nationale.
Nous sentons franchement l’arrivée sur la mer, il fait vraiment chaud, la terre n’est presque plus rouge mais sablonneuse, et les maisons ne sont plus que de simples cases en branchages.

Ces cactus servent de barrière, on en voit aussi pour délimiter les cases ou même le chemin
La ville de Tuléar n’a pas beaucoup d’attraits, pas de beaux bâtiments, même décrépis, juste un carrefour où s’échouer pour certains. Nous nous arrêtons pour déjeuner au Corto Maltese, bistro rital à l’excellente cuisine (Ramanana notre chauffeur ne varie pas, lui, de son plat malgache). Il n’y a pas vraiment de plages à Tuléar même, vase et mangrove plutôt, pas très attirant pour les enfants.
Direction donc les plages et les hôtels d’Ifaty, à 22km au nord de Tuléar, desservis par une piste plus ou moins correcte (30 à 45mn environ) qui longe la côte jusqu’à Morondava si on la poursuit (mais son état est nettement plus dégradé ensuite).
La piste est bonne ici et très fréquentée
Nous arrivons enfin à notre hôtel paradisiaque, le bien-nommé « Paradisier ».



Nous avons juste le temps de nous tremper dans l’eau chaude de la mer et de la piscine avant que l’orage n’arrive.


Réfugiés dans notre beau bungalow, nous ne tardons pas à nous apercevoir que le style local luxueux, certes très joli, revêt un bon inconvénient : ses aérations permettent aux cafards (maousses) de venir se réfugier au sec (hey, pas fous les bestiaux !) : ils sont nombreux et grimpent de partout ! C’est une invasion dont se souviendront de nouveau les enfants, après les criquets, pendant un certain temps ! La moustiquaire ne sert pas que contre les moustiques et, ce soir-là, personne ne se relève de son lit une fois couché de peur de faire une seule petite ouverture dans la toile… Et encore, ce n’est sans doute qu’une petite partie de tous les indésirables existants dans les environs !
La journée du lendemain, notre avant-dernière, est consacrée au farniente, entre plage et piscine, trop dur.

Le samedi 4 mars, notre avion ne doit décoller qu’en début d’après-midi, Ramanana nous dépose et prend ensuite la route pour rentrer en finalement seulement 2 jours sur Tana.
Nous profitons donc de la dernière matinée pour faire une petite sortie en mer en « snorkeling ». Un vrai régal en famille et une grande première pour Ottavio qui s’est débrouillé comme un chef. Une première finalement aussi pour Achille car il n’avait pas vraiment pu le faire la dernière fois, la mer était trop agitée. Tous deux ont toutefois préféré leurs lunettes de piscine, trop difficile de dompter le tuba. 

Le courant  dans le lagon reste malgré tout fort et nous ne nous attardons pas trop, d’autant qu’Ottavio commence à se plaindre de maux de ventre, le début de ce qui se révélera être une très grosse gastro par la suite, dont il se remet encore (bien plus tard encore nous comprendrons qu'il s'agissait de la bilharziose).
L’aéroport de Tuléar paraît bien neuf, mais son tableau d’affichage des vols ne doit pas encore être opérationnel, ou alors c’est du « vintage » !


Et il a subi quelques dégâts déjà, fuite d’eau sans doute.

Nous ne sommes pas les seuls à attendre l’avion : le ministre de la culture et des télécommunications est dedans (au moins nous sommes sûrs que l’avion arrivera bien) et un comité d’accueil se met en place à l’extérieur, l’afflux des personnes est impressionnant.

Il fait une forte chaleur dans la salle d’attente et je pense qu’Ottavio approche les 40° en fièvre, mais tous mes médicaments sont partis vers les soutes… Il attendra 19h30 pour avoir du Doliprane, contribuant sans doute à son début de déshydratation…
En vol, très vite nous atteignons les nuages de pluie, il ne nous faut que 2h15 pour faire ces 1000km. Le survol des environs de Tana nous indique que la pluie n’a pas cessée un seul jour depuis notre départ, et ne cessera ensuite que vers le 20 mars…


Conséquences : toutes ces tentes des sinistrés, dont la plupart sont encore là aujourd'hui car le niveau baisse lentement, « welcome back »…

Prochains récits d’escapades : Antongona et Anjozorobe !
A bientôt !