vendredi 7 novembre 2014

Majunga, vacances de rêve

Soyons plus légers et parlons vraiment des vacances : excellentes, difficile de mieux faire la prochaine fois…
Grâce au contact transmis par un papa de l’école, nous avons loué une superbe maison avec piscine sur la plage, à Amborovy : nous la recommandons vivement et sommes prêts à donner les coordonnées du propriétaire en message privé !




Cerise sur le gâteau, le prix de la location comprenait les services d’une dame faisant le ménage, la lessive/repassage et la cuisine sur demande ! Nous avons aussi profité des services d’une masseuse à domicile, bien appréciée dès le dimanche après les 11h de route !
Des vacances de rêve je vous dis.
Plusieurs amis se trouvaient également non loin de nous, nous avons donc fait quelques sorties en groupe, une bonne petite troupe de 8 adultes et 10 enfants de tous âges, c’était bien gai !

Lundi, première sortie hors de la plage et piscine, dans le centre de Majunga : le centre-ville est petit et paisible, quelques beaux bâtiments un peu beaucoup décrépis, mais cela a beaucoup de charme.



C’est tout de même la 3è plus grande ville de Madagascar (140 000 habitants environ) et le 2è port principal (mais ce n'est pas un port en eaux profondes, à cause des alluvions trop nombreux de la Betsiboka). 
La ville est réputée très cosmopolite de par son histoire: influences indiennes (les karany, au rôle économique prépondérant dans tout le pays et particulièrement à Majunga), musulmanes (afro-comoriens), coloniales, boeina bien-sûr (du nom de la région), mais aussi sakalava (région de Morondava) et merina (des hauts plateaux). C'est aussi la ville où il y a le plus de musulmans dans le pays, mais à part quelques belles mosquées, cela ne se sent pas particulièrement. 
Le plan du centre ville est très cartésien, éloigné des vents marins, il y fait chaud et les enfants râlent, nous ne nous attardons donc pas beaucoup !
Un passage au fameux baobab de Majunga, symbole de la ville et connu dans tout le pays : il ne fait que 10m de haut mais a une circonférence de 21,70m à 1m du sol ! Aujourd’hui c’est un rond-point que l’on admire, il fut un temps c’était un poteau d’exécution pour les condamnés à mort (il aura au moins 700 ans)…


Puis au port aux boutres, ces solides bateaux en bois, actif ce matin-là avec l’arrivée de raphia des villages environnants, inaccessibles par route, qui repartira par taxi-brousse pour être transformé à Tana ou ailleurs.


Petit passage au marché principal, où se mêlent alimentations et souvenirs. On peut y flâner tranquillement, sans trop craindre le pickpocket et sans se sentir assailli, c’est bien agréable par rapport à Tana !

Mardi nous commençons la journée par un arrêt aux « Bouteilles de sable », les seules véritablement historiques du coin selon le propriétaire bien-sûr : « dans la rue, c’est tous des imitations » nous dit-il ! Il lui est même possible de faire un portrait d’après photo (il a en exemple Bob Marley)



Je dois avouer que je n’étais pas particulièrement fascinée par ces objets, mais lorsque l’on voit leur réalisation et que l’on connaît un peu mieux ce mystère, on ne peut qu’être admiratif. Pour une toute petite bouteille de sable, il faut compter 4h d’un travail très minutieux, à la main, sans trembler bien sûr. Il faut bien doser la quantité de sable, le modeler à l’aide d’un léger bâton à l’embout plus ou moins fin selon le dessin que l’on veut donner, glisser une tige pour faire une pate ou une corne de zébu par exemple. Passer à une autre couleur, et s’il y a une erreur, il faut tout recommencer ! A l’exception du bleu, obtenue avec de la teinture naturelle, toutes les couleurs sont celles du sable et de la terre des environs, cela fait une belle palette !
Les enfants adorent, nous repartons avec 4 jolies bouteilles.
Direction ensuite Antsantie, après une petite heure de piste passée l’enceinte de l’aéroport (impossible d’y aller seuls tant les panneaux sont peu nombreux, merci D.), et c’est le paradis !



Ce n’est pas ma référence favorite, mais alors que nous y étions et recherchions quelques infos sur le net (pendant les quelques temps de connexion), Valeurs Actuelles y a consacré un article élogieux qui n’est pas volé : http://www.valeursactuelles.com/tendances-madagascar-leden-preserve-48649
La piscine est somptueuse, la plage magnifique, les enfants ne se lassent ni de l’une, ni de l’autre, ils sont épuisés en fin de journée. Ottavio part s’allonger après les carottes râpées et disparaît jusqu’au lendemain matin !



Mercredi matin nous refaisons un petit tour dans la ville, histoire de se ravitailler un peu en produits frais. Le matin nous avons acheté des crabes, langoustes et gambas aux pêcheurs de la plage, ils seront délicieusement préparés par Mariette pour notre déjeuner…


Puis direction le Cirque rouge : non loin d’Amborovy où nous sommes, il est tellement peu indiqué que nous ne l’avions pas trouvé le lundi ! Merci de nouveau à D. et sa troupe ! Après avoir déposé les voitures, il faut marcher une vingtaine de minutes pour arriver sur la plage, en empruntant un petit cours d’eau. J’ai alors la sensation de retrouver les immenses plages des Landes découvertes avec mon cousin dans mon enfance (coucou Régis ;)). Petits et grands s’en donnent à cœur joie dans les vagues, et l’après-midi se termine avec un joyeux ballon-prisonnier.





Au retour le nom de « cirque rouge » prend toute son sens, alors que d’autres tout proche s’adonnent aussi aux joies du ballon.



Jeudi est encore une journée bien épuisante : bronzette, baignades et repas à bord d’un magnifique trimaran !

Trop dure la vie !
Il fait juste 32° mais les pêcheurs portent des anoraks !
Petit clin d'oeil à J&J avec cette voile vendéenne (il faut agrandir la photo, ok)

Vendredi nous varions les baignades en profitant de la réouverture de l’Aqualand, espace de toboggans aquatiques qui ravissent les enfants. Surprise, le bassin des touts petits n’est pas encore traité et quelques batraciens ont trouvé là une place de choix !
Elles ont été poursuivies sans méchanceté par nos enfants
En fin de journée nous nous rendons à la réserve Reniala, juste à l’entrée de Majunga, que nous n’avions pas non plus trouvé le lundi, et que nous avons bien failli ne pas trouver encore… En fait c’est une petite réserve constituée par des industriels dans la savonnerie, qui recueillent au fur et à mesure divers animaux (lémuriens, crocodiles, autruches, tortues et perroquets entre autres) et reboisent cet espace.
Ce dernier soir nous nous rendons enfin sur la corniche déguster quelques « masikitas », mini-brochette de zébu à l’un des nombreux stands très bon marché qui la longent, tout en se demandant si nous ne le regretterons pas dans 2-3h (mais tout ira bien, ouf).

Départ peu après 8h le samedi matin, « c’était trop bien les vacances » comme disent nos jeunes !
Arrêt 2h30 plus tard au parc national d’Ankarafantsika (à environ 115km de Majunga) où nous passerons la nuit. 

Suite au prochain épisode !


lundi 3 novembre 2014

Sur la route des vacances, il y a… des feux

C’est la rentrée aussi après les vacances de Toussaint qui furent bien remplies.
Nous sommes restés ici la première semaine et les enfants ont bien profité de leur stage de taekwondo et la piscine au CAR les matins, puis l’après-midi avec leur cours de peinture et dessin. Et moi, j’ai fait le taxi toute la semaine !
La deuxième semaine, nous avons loué une maison à Majunga/Mahajanga, au nord-ouest de Madagascar, juste à 542 km d’ici : 7h en voiture selon google map, mais dans les faits il faut 11h, sans pause réelle (juste pipi avec changement de conducteur, repas et grignotage étant pris dans la voiture, trop chaud dehors de toute façon)…
Donc, commençons par la route des vacances : départ à 5h40, arrivée à 16h30, environ 50km/heure (il faut reconnaître que notre voiture est un veau, aucune reprise en côte) !
L’avantage, puisque nous sommes presque directement sur la RN4, est que nous évitons les embouteillages de Tana : ouf, une heure de moins !
Dans l’ensemble la route est bonne, pas trop de trous sauf quelques passages, mais du coup, quand on est bien lancé, on les voit moins et il arrive que l’on se fasse bien surprendre, car si l'on arrive bien à slalomer pour en éviter un puis deux, au troisième inévitablement invisible cela secoue drôlement ! Il y a également beaucoup moins de circulation que la route de Tamatave, peu de gros camions, cela est plus tranquille. Et la descente des hauts plateaux se fait plus en douceur, les virages sont moins tortueux, ce qui n’empêche pas Ottavio d’être néanmoins malade.
Ce qui frappe vraiment, c'est l’importance des feux de brousse. Cela semble hélas courant en fin de saison sèche.
J’ai découvert ce site de surveillance des feux par satellite de la Nasa et l’on voit effectivement que l’activité était très intense dans cette région sur cette période : http://firecast.conservation.org/DataMaps/LiveView# 
Il s’adresse à tout décideur, privé ou public, qui s’inscrit pour recevoir des alertes et peut ainsi décider ses actions en connaissance de cause.
On y voit aussi que l’activité est très répandue sur l’ensemble de Madagascar, mais pas seulement, en face au Mozambique cela n’a pas l’air mal non plus…
A force de pratiquer ces feux, il ne reste plus grand chose sur les montagnes : outre des paysages calcinés quand cela est tout récent, cela donne des paysages pelés, les arbres sont rares.


Tout pelé

Feu très récent, cela fume encore

feu actif
au loin
La pratique est ancestrale, le « tavy » ou agriculture sur brûlis vise à enrichir la terre cultivée. Objectif raté car après quelques années, le sol devient hélas stérile, mais les paysans le savent-ils seulement ? L’éducation, même à minima, pourra-t-elle enrayer ce phénomène auprès des jeunes générations ?
L’autre pratique ancestrale est celle des éleveurs de zébus qui brûlent la terre pour faire repousser de l’herbe fraîche pour le bétail, en attendant la saison des pluies. J’ai lu aussi que les bœufs ne seraient ainsi pas tentés par les rizières, mais il y a assez peu de rizières dans les coins que nous avons traversés. Le problème est que cela pouvait aller quand les éleveurs étaient moins sédentaires car une « parcelle » n’était pas brûlée deux années de suite.
Ces feux serviraient aussi à récupérer le charbon de bois pour la consommation personnelle et surtout pour la vente, car c’est encore le combustible n°1 pour le chauffage et l’alimentaire. Des centaines de ballots de charbon sont en vente aux bords des routes et à Tana.
Le fourrage (comme ici vers Andasibe en juin dernier) est emballé dans les mêmes sacs que le charbon. Mais le charbon  est aussi vendu, surtout en ville, en très petites quantités, par poignée seulement
Désormais, cela prend de telles proportions que c’est une vraie balle dans le pied que les malgaches se tirent, une de plus diront certains. 
Paragraphe intéressant aussi ici :
« L'agriculteur défriche sommairement un arpent de forêt en y mettant le feu et, dès les premières pluies, sème les graines. Au cours des trois premières années, si les conditions climatiques sont favorables, les rendements sont satisfaisants sans que la force de travail investie soit importante, un atout compte tenu des surfaces cultivées. Mais par la suite, ils ne cessent de diminuer pour atteindre des niveaux très bas après cinq à six années de culture. Cet effondrement s'explique par un appauvrissement des sols et l’envahissement des parcelles par les mauvaises herbes. Ces dernières pourraient être éliminées par un important travail de sarclage, rarement réalisé du fait de l’étendue des terres mises en culture. Les agriculteurs se contentent le plus souvent de brûler les pailles de ces mauvaises herbes en fin de saison sèche, pour en limiter la prolifération. Après avoir cultivé une même parcelle pendant cinq à dix ans, l'agriculteur se trouve contraint de l'abandonner au profit d'une nouvelle défriche. Et les terrains défrichés laissent, au fil du temps, place à des trous béants sur tous les flancs des montagnes, les « lavaka ». »
Enfin il y a une autre explication lue sur le site de RFI à ces phénomènes de feux de brousse répétés, plus contemporaine : ce serait la manifestation d’un mécontentement politique.
« La pratique traditionnelle ? Oui, mais pas seulement. Selon Bernard Razafindrakoto, allumer un feu est aussi une manière de protester contre l’Etat central, qui n’assure pas sa mission principalement dans la lutte contre l’insécurité.
Dans de nombreuses communes, les paysans ont mis sur pied, il y a plusieurs années, des quartiers mobiles pour faire des rondes. Le quartier mobile comprend cinq personnes par commune. Ces cinq hommes ne touchent pas de salaire, c’est la communauté qui leur verse des indemnités.
Pourtant, ils font le travail de la gendarmerie - le maintien de la sécurité -, mais l’Etat ne s’en occupe pas. A Madagascar, la population rurale représente près de 80% de la population totale. »

J’en avais déjà entendu parler au moment des élections l'année dernière, j'ai cependant du mal à adhérer à cette version.
En revanche je veux bien croire que le manque de sécurité et de régulation de la part de l’Etat soit responsables en partie de ces feux : aucune réglementation, ou du moins personne pour la faire appliquer sur ces vastes étendues, pas de campagnes de sensibilisation, d’éducation pour enrayer cela… Les projets de reboisement subventionnés par diverses organisations ne servent à rien si les pauvres petits arbres sont vite brûlés, comme nous l’avons constaté nous-même !
Des panneaux indiquent que le coin a été reboisé en 2007


Pourquoi est-ce si nocif et alarmant ?
Les sols s’appauvrissent, seules quelques herbes repoussent, qui ne retiennent alors plus la terre, qui s’effondre littéralement en de multiples endroits, rien n’arrête le vent non plus.



Or les éboulements provoquent l’ensablement des rizières et le tarissement des sources d’eau…

Les rares rivières sont rouges de latérite en permanence, et la saison des pluies en charrie des tonnes à la mer. Ce n’est plus l’île verte mais l’ile rouge, l’hémorragie de la terre : les images satellites de l’estuaire de la Betisboka, le plus long fleuve de Madagascar, font peur :
http://en.wikipedia.org/wiki/Bombetoka_Bay
Les conséquences sont également désastreuses pour la faune et la flore, mais les populations sont encore loin de ce type de préoccupations environnementales : des espèces endémiques à Madagascar de végétaux et d’animaux disparaissent.
Dans une moindre mesure ces feux participent à la pollution de l’air, et cela est sensible et visible jusqu’ici à Tana où cela "sent" le brûlé et où il flotte quelquefois une brume fumeuse.

Ajout le lendemain, le 4/11 vers 18h :
Le coucher de soleil hier au soir était superbe, il pleuvait légèrement en même temps, estompant les fumées, le voici donc.


Et celui de ce soir est impressionnant, par contraste, illustrant parfaitement le paragraphe du dessus sur les feux sensibles jusqu'ici. L'odeur de ce soir ne trompe pas non plus, et cela pique les yeux...

Le soleil n'est même plus visible à 18h...

Sinon, « ♫ sur ma route, ouuii ♫ » … il n’y a pas que des feux de brousse, il y a aussi eu des mangues à la pelle. Les manguiers, bien souvent immenses (cela fait de la peine lorsque l’on en voit desséchés par le feu…), croulent : les gens essaient de faire tomber les fruits les plus mûrs en lançant des bouts de bois, on voit des noyaux de partout. Et elles sont délicieuses bien-sûr, nature, en jus…



Quelques beaux ponts à nouveau sur notre trajet, dont certains qui nécessitent la pesée des poids lourds en amont.

La Betsiboka presque à sec. Cela doit être encore plus impressionnant quand tout est inondé autour
En effet, l’année dernière l’un des nombreux ponts de la RN4, le Kamoro, avait été endommagé comme le rappelle la pancarte à son entrée (je ne suis pas sûre néanmoins que l'image corresponde à celle de ce pont précis).



L’approvisionnement en gaz de la capitale, notamment, avait été un temps limité en mars-avril dernier provoquant une mini-psychose (« t’as pu trouver du gaz, toi ? », « il paraît qu’il y en a à telle station », « faîtes vos réserves, attention… »), le temps que le pont, datant de la colonisation, soit un peu rafistolé.
Majunga est un des principaux ports d’importation du gaz où il y a directement l’usine de conditionnement en bouteilles. Pas de pont = pas de camion = pas de bouteilles transportées en nombre.
Ce pont n’a pas vraiment été réhabilité depuis et menace de s’effondrer (suspendu depuis 262m de hauteur tout de même), il faut slalomer car il y a des lames de métal qui manquent ! La charge d’un camion ne doit pas dépasser 25 tonnes, sachant qu’un camion citerne plein pèse 40 tonnes, 20 vides, il ne lui faut donc que 5 tonnes de marchandises pour passer ce pont…
Voici une des stations de pesée, mais est-ce bien respecté ?



Sur la route, il y a enfin différentes habitations, mais elles méritent à elles seules un article à part, cela viendra donc en son temps.

Je finis tout de même cet article avec une petite photo de la famille en brousse, au parc Ankarafantsika, où nous nous sommes arrêtés une nuit lors du retour, là aussi, je reviendrai dessus une prochaine fois !