jeudi 23 octobre 2014

Histoires d'eau

La saison sèche est censée commencer à toucher à sa fin mais il n’en est rien du tout (première grosse pluie ce 19/10 seulement, et encore plus rien depuis), et cela ne semble pas nouveau.
Le riz est traditionnellement replanté en ce moment mais il est conseillé dans la presse de « reculer » ce repiquage. En effet, le début de la saison des pluies paraît d’année en année plus tardif, alors que sa fin est de plus en plus précoce (dès début mars pour l’année 2014 dans mon souvenir). Même si les averses sont impressionnantes par leur intensité, la saison des pluies ne suffit visiblement plus à fournir l’eau nécessaire à l’agriculture et aux consommations ménagères.
Résultat = le riz repiqué, à certains endroits, a les racines à sec : le sol y est fortement craquelé, compromettant ainsi la future récolte.

Au club de loisirs où je me suis investie, il a fallu creuser un puits profond de 7m avancé au bord du lac, qui a fortement reculé (d’ailleurs impossible désormais de partir en kayak sur le lac, il n’y a pas assez d’eau au départ !).

Outre ces problèmes, liés aux changements climatiques dirons-nous, Madagascar cumule avec un énoOOOorme problème de gestion de l’eau.

La Jirama, société d'Etat qui gère à la fois l’électricité et l’eau à Madagascar, est en faillite permanente. Elle est en passe de changer de statut pour devenir une société commerciale. Ses infrastructures datent de la colonisation en gros et ne sont que très peu entretenues, c’est peu dire.
Les gens sont excédés par ces coupures incessantes, j'ai même découvert une communauté Facebook "Jirama trop nul", trop "lol" !
Il y a de nombreux endroits où je vois l’eau fuir depuis plus d’un an sans que rien ne soit fait, le gaspillage est de mise, sans même parler des détournements voire de la corruption, qui, dit-on, sont courants.
Petite fuite quotidienne très typique
Conséquence, il n’y a pas assez d’eau pour tout le monde : tout comme l’électricité et ses délestages, (certains quartiers sont systématiquement plongés dans le noir de 18h à 20h ou plus), les usagers de la Jirama connaissent d’importantes coupures d’eau, parfois très longues, la plupart du temps en journée (mais il arrive que les deux coupures se produisent en même temps bien-sûr !).
Cela donne des scènes hallucinantes de queues aux fontaines publiques : les gens laissent leurs bidons jaunes vides devant la borne à eau durant la journée, encombrant même la route (je pense qu’à la base il s’agit de jerrican d’essence ou d'huile). Je n'ai pas osé photographier les plus importantes tant les bidons et les gens sont quelquefois nombreux.
L’eau revient en général dans la nuit, les gens vont remplir leurs bidons à des heures impossibles, type 2-3h du mat, avec toute l’insécurité que cela implique et sachant que dès 4-5h les premiers travailleurs se remettent en route.
Ah oui, quoi, des bornes à eau ? Hé oui, l’accès individuel à l’eau n’est réservé qu’aux privilégiés !
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Là aussi les scènes font peur pour 2014 (lien vers un article parlant d'anachronisme aussi http://www.lexpressmada.com/blog/opinions/un-grand-ecart-intenable-entre-modernite-et-anachronisme-17606), on voit de jeunes enfants porter de gros bidons d’eau, pousser des chariots chargés de bidons pleins… J’ai lu quelque part que 75% des habitants de Tana en étaient réduits à se fournir à ces bornes/fontaines publiques.

Juste des adultes ici, mais ce n'est pas toujours le cas
D'où aussi, les indispensables lavoirs dans chaque quartier, plus ou moins modernes, où les femmes lavent le linge à la main (avant de le faire sécher à même le sol ou sur les rares arbres comme évoqué précédemment).
Lavoir et borne à eau tout neufs


Lavoir en béton pas très moderne





Autre conséquence, l'accès aux sanitaires : très peu sont individuels là encore, il y a plusieurs wc et douches publics, mais encore 15% de la population de la capitale se voit réduite à faire ses besoins à l’air libre… Certains canaux du quartier de 67ha sont assez terribles pour cela. 
Il ne se passe pas un seul trajet sans que je ne vois quelqu’un uriner sur le bas côté le plus naturellement du monde, sans vraiment prendre le soin de se cacher, voire plusieurs fois dans un même court trajet. Pas moyen de faire autrement pour la plupart. Il y a aussi la version cabanes qui donnent directement dans le ruisseau/canal, où tous puisent pour laver le linge, la vaisselle...

image récupérée ici
Des stations d’épuration ? Je ne sais même pas s’il en existe une sur Tana… Il semble qu’il y ait eu un projet en 2012 mais je n’ai pas trouvé d’info plus récente ! 
On parle surtout de curer les canaux (80km) pour éviter leur engorgement, ainsi que les égouts encombrés, quand il y en a ou qu’il en reste…

Bref, y'a du boulot...


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