C’est la rentrée aussi après les vacances de
Toussaint qui furent bien remplies.
Nous sommes restés ici la première semaine et les
enfants ont bien profité de leur stage de taekwondo et la piscine au CAR les
matins, puis l’après-midi avec leur cours de peinture et dessin. Et moi, j’ai
fait le taxi toute la semaine !
La deuxième semaine, nous avons loué une maison à
Majunga/Mahajanga, au nord-ouest de Madagascar, juste à 542 km d’ici : 7h
en voiture selon google map, mais dans les faits il faut 11h, sans pause réelle
(juste pipi avec changement de conducteur, repas et grignotage étant pris dans
la voiture, trop chaud dehors de toute façon)…
Donc, commençons par la route des vacances :
départ à 5h40, arrivée à 16h30, environ 50km/heure (il faut reconnaître que notre voiture est un veau, aucune reprise en côte) !
L’avantage, puisque nous sommes presque
directement sur la RN4, est que nous évitons les embouteillages de Tana :
ouf, une heure de moins !
Dans l’ensemble la route est bonne, pas trop de
trous sauf quelques passages, mais du coup, quand on est bien lancé, on les
voit moins et il arrive que l’on se fasse bien surprendre, car si l'on arrive bien à slalomer
pour en éviter un puis deux, au troisième inévitablement invisible cela secoue drôlement ! Il
y a également beaucoup moins de circulation que la route de Tamatave, peu de
gros camions, cela est plus tranquille. Et la descente des hauts plateaux se
fait plus en douceur, les virages sont moins tortueux, ce qui n’empêche pas
Ottavio d’être néanmoins malade.
Ce qui frappe vraiment, c'est l’importance des
feux de brousse. Cela semble hélas courant en fin de saison sèche.
J’ai découvert ce site de surveillance des feux par
satellite de la Nasa et l’on voit effectivement que l’activité était très
intense dans cette région sur cette période : http://firecast.conservation.org/DataMaps/LiveView#
Il s’adresse à tout décideur, privé ou public,
qui s’inscrit pour recevoir des alertes et peut ainsi décider ses actions en
connaissance de cause.
On y voit aussi que l’activité est très répandue sur
l’ensemble de Madagascar, mais pas seulement, en face au Mozambique cela n’a
pas l’air mal non plus…
A force de pratiquer ces feux, il ne reste plus
grand chose sur les montagnes : outre des paysages calcinés quand cela est
tout récent, cela donne des paysages pelés, les arbres sont rares.
Tout pelé |
Feu très récent, cela fume encore |
feu actif |
au loin |
La pratique est ancestrale, le « tavy »
ou agriculture sur brûlis vise à enrichir la terre cultivée. Objectif raté car
après quelques années, le sol devient hélas stérile, mais les paysans le
savent-ils seulement ? L’éducation, même à minima, pourra-t-elle enrayer
ce phénomène auprès des jeunes générations ?
L’autre pratique ancestrale est celle des éleveurs
de zébus qui brûlent la terre pour faire repousser de l’herbe fraîche pour le
bétail, en attendant la saison des pluies. J’ai lu aussi que les bœufs ne
seraient ainsi pas tentés par les rizières, mais il y a assez peu de rizières
dans les coins que nous avons traversés. Le problème est que cela pouvait aller
quand les éleveurs étaient moins sédentaires car une « parcelle »
n’était pas brûlée deux années de suite.
Ces feux serviraient aussi à récupérer le charbon
de bois pour la consommation personnelle et surtout pour la vente, car c’est
encore le combustible n°1 pour le chauffage et l’alimentaire. Des centaines de
ballots de charbon sont en vente aux bords des routes et à Tana.
Désormais, cela prend de telles proportions que
c’est une vraie balle dans le pied que les malgaches se tirent, une de plus
diront certains.
Paragraphe intéressant aussi ici :
« L'agriculteur
défriche sommairement un arpent de forêt en y mettant le feu et, dès les
premières pluies, sème les graines. Au cours des trois premières années, si les
conditions climatiques sont favorables, les rendements sont satisfaisants sans
que la force de travail investie soit importante, un atout compte tenu des
surfaces cultivées. Mais par la suite, ils ne cessent de diminuer pour
atteindre des niveaux très bas après cinq à six années de culture. Cet
effondrement s'explique par un appauvrissement des sols et l’envahissement des
parcelles par les mauvaises herbes. Ces dernières pourraient être éliminées par
un important travail de sarclage, rarement réalisé du fait de l’étendue des
terres mises en culture. Les agriculteurs se contentent le plus souvent de
brûler les pailles de ces mauvaises herbes en fin de saison sèche, pour en
limiter la prolifération. Après avoir cultivé une même parcelle pendant cinq à
dix ans, l'agriculteur se trouve contraint de l'abandonner au profit d'une
nouvelle défriche. Et les terrains défrichés laissent, au fil du temps, place à
des trous béants sur tous les flancs des montagnes, les « lavaka
». »
Enfin il y a une autre explication lue sur le site de RFI à ces phénomènes de feux de brousse répétés, plus contemporaine : ce serait la manifestation d’un mécontentement politique.
« La pratique
traditionnelle ? Oui, mais pas seulement. Selon Bernard Razafindrakoto,
allumer un feu est aussi une manière de protester contre l’Etat central, qui
n’assure pas sa mission principalement dans la lutte contre l’insécurité.
Dans de nombreuses
communes, les paysans ont mis sur pied, il y a plusieurs années, des quartiers
mobiles pour faire des rondes. Le quartier mobile comprend cinq personnes par
commune. Ces cinq hommes ne touchent pas de salaire, c’est la communauté qui
leur verse des indemnités.
Pourtant, ils font le
travail de la gendarmerie - le maintien de la sécurité -, mais l’Etat
ne s’en occupe pas. A Madagascar, la population rurale représente près de 80%
de la population totale. »
J’en avais déjà entendu parler au moment des élections l'année dernière, j'ai cependant du mal à adhérer à cette
version.
En revanche je veux bien croire que le manque de sécurité
et de régulation de la part de l’Etat soit responsables en partie de ces
feux : aucune réglementation, ou du moins personne pour la faire appliquer
sur ces vastes étendues, pas de campagnes de sensibilisation, d’éducation pour
enrayer cela… Les projets de reboisement subventionnés par diverses
organisations ne servent à rien si les pauvres petits arbres sont vite brûlés,
comme nous l’avons constaté nous-même !
Des panneaux indiquent que le coin a été reboisé en 2007 |
Pourquoi est-ce si nocif et alarmant ?
Les sols s’appauvrissent, seules quelques herbes
repoussent, qui ne retiennent alors plus la terre, qui s’effondre littéralement
en de multiples endroits, rien n’arrête le vent non plus.
Or les éboulements provoquent l’ensablement des
rizières et le tarissement des sources d’eau…
Les rares rivières sont rouges de latérite en
permanence, et la saison des pluies en charrie des tonnes à la mer. Ce n’est
plus l’île verte mais l’ile rouge, l’hémorragie de la terre : les images
satellites de l’estuaire de la Betisboka, le plus long fleuve de Madagascar, font peur :
http://en.wikipedia.org/wiki/Bombetoka_Bay |
Les conséquences sont également désastreuses pour
la faune et la flore, mais les populations sont encore loin de ce type de
préoccupations environnementales : des espèces endémiques à Madagascar de
végétaux et d’animaux disparaissent.
Dans une moindre mesure ces feux participent à la
pollution de l’air, et cela est sensible et visible jusqu’ici à
Tana où cela "sent" le brûlé et où il flotte quelquefois une brume fumeuse.
Ajout le lendemain, le 4/11 vers 18h :
Le coucher de soleil hier au soir était superbe, il pleuvait légèrement en même temps, estompant les fumées, le voici donc.
Et celui de ce soir est impressionnant, par contraste, illustrant parfaitement le paragraphe du dessus sur les feux sensibles jusqu'ici. L'odeur de ce soir ne trompe pas non plus, et cela pique les yeux...
Le soleil n'est même plus visible à 18h... |
Sinon, « ♫ sur ma route, ouuii ♫ » … il n’y a
pas que des feux de brousse, il y a aussi eu des mangues à la pelle. Les
manguiers, bien souvent immenses (cela fait de la peine lorsque l’on en voit
desséchés par le feu…), croulent : les gens essaient de faire tomber les
fruits les plus mûrs en lançant des bouts de bois, on voit des noyaux de
partout. Et elles sont délicieuses bien-sûr, nature, en jus…
Quelques beaux ponts à nouveau sur notre trajet,
dont certains qui nécessitent la pesée des poids lourds en amont.
La Betsiboka presque à sec. Cela doit être encore plus impressionnant quand tout est inondé autour |
En effet, l’année dernière l’un des nombreux ponts
de la RN4, le Kamoro, avait été endommagé comme le rappelle la pancarte à son
entrée (je ne suis pas sûre néanmoins que l'image corresponde à celle de ce pont précis).
L’approvisionnement en gaz de la capitale, notamment,
avait été un temps limité en mars-avril dernier provoquant une mini-psychose
(« t’as pu trouver du gaz, toi ? », « il paraît qu’il y en
a à telle station », « faîtes vos réserves, attention… »), le
temps que le pont, datant de la colonisation, soit un peu rafistolé.
Majunga est un des principaux ports d’importation
du gaz où il y a directement l’usine de conditionnement en bouteilles. Pas de
pont = pas de camion = pas de bouteilles transportées en nombre.
Ce pont n’a pas vraiment été réhabilité depuis et
menace de s’effondrer (suspendu depuis 262m de hauteur tout de même), il faut
slalomer car il y a des lames de métal qui manquent ! La charge d’un camion
ne doit pas dépasser 25 tonnes, sachant qu’un camion citerne plein pèse 40
tonnes, 20 vides, il ne lui faut donc que 5 tonnes de marchandises pour passer
ce pont…
Voici une des stations de pesée, mais est-ce bien
respecté ?
Sur la route, il y a enfin différentes habitations, mais elles méritent à elles seules
un article à part, cela viendra donc en son temps.
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