Ici la ville n’est pas tout à fait ville, même le « centre-ville » n’en est pas vraiment un. Il
n’y a guère que dans la ville Haute que l’on ne trouve pas de cultures, et
encore. Par contre, les productions cultivées tout proche y sont vendues sur
des étals à même le sol la plupart du temps. Cela tient à l’histoire du pays et
à son terrain : traditionnellement c’est le haut des collines qui était
habité, les bas étant laissés à l’agriculture et accessoirement aux inondations.
Mais désormais l’imbrication ville-campagne est
une des particularités de Tana.
Contrastes plaines/collines habitées, Tana étant historiquement appelée la "ville aux mille collines" |
La ville a connu une telle extension, elle a
attiré tellement de campagnards (certainement très déçus par ailleurs), et la
crise politique et économique est telle que l’agriculture est une question de
survie, c’est devenue bien plus qu’une agriculture de subsistance. Il faut dire
aussi que le ravitaillement de la ville n’est pas si simple : amener ses
produits de la campagne plus ou moins lointaine revient cher, du fait de l’état
des routes et des véhicules et des faibles moyens financiers… Néanmoins
« Plus de 80% de la population malgache vit en milieu rural et 89% de
ménages pratiquent une activité agricole, ce qui fait de l’agriculture
familiale le pilier de l’économie malgache » selon la FAO. Précisons que 2014 est
l’année internationale de l’agriculture familiale.
Le riz est sans conteste la culture dominante de
Tana et de presque tout Madagascar, c’est pourquoi je vais commencer par lui :
il est cultivé de partout sauf dans l’extrême sud où le climat est trop aride.
La consommation est estimée entre 135 et 200 kg/personne/an, soit une des plus
importantes au monde ! D’ailleurs on en consomme dès le matin, avec un
café au lait , sous la forme de « mokary », des galettes sucrées
cuites dans un moule spécial ;
puis à tous les
autres repas de la journée. C’est vraiment la base de l’alimentation. Un dicton
dit qu’« un malgache ne vous invite pas à déjeuner mais à venir partager
son riz » !
Il y a beaucoup de petits producteurs : tout
se fait à la main, aidé d’un zébu quelquefois, enfin de ce que j’ai pu
constater. Environ 70% des ménages malgaches produisent du riz en 2003, alors
que la production était de 110kg/personne/an (133kg en 1990), il faut donc
hélas importer du riz…
Le riz commence son
cycle de culture dans de petits carrés appelés "tanin-ketsa" où l'on
sème le paddy (riz non usiné, dont on conserve plus ou moins une quantité d’une
fois sur l’autre pour replanter) : ce sont un peu comme des pépinières.
13 septembre 2013, route de la digue |
14/09 aux abords du lac d'Ampefy (c'est hors zone urbaine mais je ne résiste pas car on voit bien le système de diguettes |
Les bottes obtenues
seront ensuite extirpées avec soin et transférées dans les rizières pour y être
repiquées en ligne. Le travail est dur, et minutieusement réparti entre les
hommes, les femmes, et les zébus. Car si la charrue est de plus en plus
utilisée pour préparer le sol, le mode traditionnel du piétinage est encore le plus
souvent pratiqué.
Pendant ce temps les autres parcelles sont retournées pour les préparer à recevoir les plants après leur mise en eau. Le système d'irrigation est minutieux, avec les moyens du bord toutefois.
Dans les plaines, les
parcelles sont entourées de diguettes en terre pour maintenir l'eau à un niveau
constant. Cela fait aussi des passages à sec pour les piétons. Hors de Tana il y a aussi des rizières en pente, étagées donc, je ne les ai hélas pas prises en photo mais en ajouterai lors d'une prochaine excursion (même si en fait c'est hors-sujet pour ce post-là).
Au fil du temps les
jeunes plants verdissent, puis le vert se fait or, la récolte est proche
5 novembre 2013 |
5 décembre 2013, sur la digue |
15 janvier 2014, rizière en-dessous de la maison |
Idem |
Les coups de vent couchent quelquefois les épis, il est temps de moissonner |
Il s'agit maintenant
de protéger les épis contre les prédateurs : quelques épouvantails, des
dvd et les bandes des K7 vidéo qui brillent, des personnes qui surveillent et chassent
les oiseaux… C’est là aussi que l’on empêche les zébus et canards d’aller dans
les rizières !
Bon je sais, il faut bien les chercher les zébus-là… Mais si, juste en hauteur vers le linge qui sèche, attachés à un piquet |
Le ramassage / la
coupe se fait par paquets/bottes, cela a l’air très éprouvant
9 janvier |
Il faut ensuite transporter
ces bottes vers une aire de battage, en général dans des charrettes à bras ou dans des sacs à dos d'homme (pas pris en photo, désolée) : le riz est fouetté pour extraire les
grains seuls
Dommage, j'ai une courte vidéo mais elle ne passe pas |
les canards et les oies peuvent alors manger les restes |
et/ou mise en meule,
avant
d’être transportée pour être utilisée ensuite comme nourriture pour le bétail
ou pour la vannerie.
Le Rova/Palais de la Reine et la ville-haute en arrière-plan |
Ce riz paddy alors est
étendu pour être séché : à même le sol la plupart du temps, quelquefois
sur des bâches. C’est là que l’on se rend vraiment compte de l’imbrication
ville-campagne car l’on voit du riz sécher de partout, il y a même des fois où
l’on est obligé de rouler dessus (et attention, pas trop vite me dit Ramanana,
c’est glissant !), comme sur ces photos :
Entre Ambatolampy et Ankorondrano |
Séchage en plein dans le quartier de "67 hectares" |
Lorsqu’il se met
soudain à pleuvoir, les voisins viennent aider pour ramasser tous ces grains.
Il faut ensuite le
nettoyer, il paraît que cela est fait en usines m’a-t-on dit, puis enfin
stocker le riz.
J’ai lu ici http://rajaofera.free.fr/Faune/riz/riz.htm que les « paysans producteurs ont du mal à gérer leur récolte à la
moisson : ils ont tendance à vendre une grande partie de leur riz au
détriment de leur besoin de consommation quotidienne. Les raisons en
sont qu’ils ont des besoins immédiats d’autres denrées nécessitant un certain
revenu monétaire, ou encore que les moyens de rangement approprié du riz sont
inexistants. Cette défaillance du dispositif de stockage est la raison d’être
du GCV (Grenier Communautaire Villageois). Ce sont des mini-silos ruraux
appartenant à des groupements de paysans. Ainsi, ce stockage
ne concerne pas un surplus de production par rapport à la consommation mais
c’est un stockage destiné à étaler la consommation pour subvenir aux besoins de
la période de soudure. »
Je ne pense pas que ce
problème soit le même pour Tana, vu qu’il y a plus de riz importé encore
qu’ailleurs et que d’autres cultures y sont produites, notamment tous les
fruits et légumes.